Sur son artère fixe et imperturbable, battant au rythme journalier de la ville, le Tramway glisse sur les lignes courbes ; la platitude des rails et son avancée douce le détachent du sol et le suspend des accidents et irrégularités de l’asphalte.
Lieu de suspension.
Échange de regards, politesses, galanteries, proximité des corps, danse des allées et venues, montées et descentes des voyageurs du quotidien, jeu des sièges, musical, sur les tintements de la cloche.
Lieu de civisme, où se vit un sentiment d’appartenance communautaire.
Portrait de la ville ; sur sa surface d’acier réfléchissante, le long miroir du Tram’ trace un reflet dynamique de la ville. De l’autre côté du miroir de la ville, une Alice citoyenne entourée d’autres voyageurs du quotidien partage finalement son Pays des songes et un rêve commun.
Moment de suspension.
Tout d’un coup tiré de l’hyperactivité de la ville et plongé dans une parenthèse d’acier, le voyageur du quotidien se pose, fait le point, pense le lointain et son imagination prolonge les rails en dehors de la ville.
A travers la vitre, trainées d’images panoramiques, le paysage urbain défile sous ses yeux et nourrit son imaginaire.
L’Histoire n’est jamais la même.
Viennent s’y insérer le filtre des humeurs et des états corporels, et les métamorphose du dehors. À travers les longues vitres du Tram’, les perceptions partent ailleurs et s’évadent des pesanteurs quotidiennes. L’oeil plonge dans le creux de la main et superpose sur les images de la ville des fenêtres numériques glissant les unes sur les autres.
Nous avons l’assurance du parcours, des fréquences constantes des arrêts et des départs : un socle espace-temps imperturbable, posé sur des lignes d’acier lourdement accrochées au sol, où s’animent nos mouvements intérieurs.
Le tramway est un refuge rassurant, et sans qu’on en prenne directement conscience, on y fait son cinéma du quotidien, un cinéma grandeur-nature, avec autant de versions et de « remakes » que de jours dans l’année.